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Avec son équipe « Faith Animation», le Père Prasad Harshan aide les victimes des attentats terroristes au Sri Lanka

Une interview menée par Stephan Baier / Aide à l’Église en Détresse (AED)

Père Prasad Harshan, les attaques terroristes commises à Pâques contre trois églises chrétiennes au Sri Lanka ont blessé de nombreux fidèles, non seulement sur le plan physique et psychique, mais aussi dans leur foi. Comment l’Église les aide-t-elle ?
S. E. Malcolm Ranjith, notre cardinal, souhaitait que des missionnaires descendent dans les rues pour aller de paroisse en paroisse, de rue en rue, pour être à l’écoute des gens dans leurs maisons, pour écouter leurs histoires et les aider dans chacun de leurs combats de la foi. Nous avions déjà commencé à mettre ce projet à exécution il y a trois ans. Aujourd’hui, cette approche s’est avérée une véritable bénédiction lorsque nous avons appris cette tragédie : une bénédiction pour l’Église et pour la population. Nous sommes à présent cinq prêtres qui travaillent avec les victimes des attentats. Nous déployons en particulier nos activités à Negombo, où 115 personnes d’une seule paroisse ont été assassinées, et où plus de 280 personnes ont été blessées. Nous apercevons partout des fanions noirs en signe de deuil. Les gens sont blessés sur le plan physique, mental et spirituel. Nous constatons l’ampleur des blessures dans leur foi et dans leur vie spirituelle. Durant les trente années de guerre civile, nous n’avions jamais vécu ce genre d’attaques à la bombe dans des églises. Aujourd’hui, les gens se posent des questions : Pourquoi est-ce arrivé ? Pourquoi justement à Pâques ?

Est-ce qu’il s’ensuit des doutes au niveau de la foi et une certaine distance par rapport à l’Église ?
Les gens ont d’abord été sous le choc : comment Dieu a-t-il pu permettre cela, dans Sa propre maison ? Nous, les prêtres, avons décidé de rester aux côtés des gens, même si nous ne pouvions leur fournir aucune réponse. Nous avons été auprès d’eux dans leurs maisons. Nous avons voulu leur montrer que Dieu est et demeure auprès d’eux. Après le choc, il a y eu la colère. En particulier lorsqu’ils ont appris que le gouvernement avait préalablement été alerté par des informations. Les gens ont dû lutter contre leurs émotions. Dans ce contexte, l’exhortation du cardinal de se laisser guider par la foi et non par les émotions a joué un rôle majeur.

À quoi ressemble concrètement votre travail pastoral ?
Aujourd’hui, nous travaillons beaucoup avec des enfants qui ont peur de retourner à l’église ou à l’école dominicale. Nous suivons aussi les mères pour renforcer leur foi. Il y a 475 ans, un roi hindou a assassiné 600 chrétiens au nord du Sri Lanka. Nous emmenons maintenant les proches des victimes des attentats aux mémoriaux de ces martyrs, dans le nord du pays. Les morts du dimanche de Pâques sont des martyrs parce qu’ils ont perdu leur vie pour leur foi. À travers ce voyage auprès de ces anciens martyrs, nous tentons de guérir les blessures des proches. Les blessés et les personnes qui ont perdu leur conjoint durant la guerre civile s’adressent également à eux, les encouragent et témoignent de leur foi en Dieu.

Beaucoup de catholiques au Sri Lanka m’ont dit qu’après les attentats terroristes, ils étaient plus forts et plus croyants qu’auparavant.
Les personnes directement concernées portent encore aujourd’hui leurs blessures. Néanmoins, cette tragédie est devenue une bénédiction pour les catholiques de notre pays, car en une seule nuit, tout le pays a été baptisé. En effet, il y a un baptême d’eau et un baptême de sang. Soudainement, notre pays a pris conscience de la présence des catholiques et de la particularité de leur croyance. Auparavant, environ 4 000 personnes regardaient les messages vidéo du cardinal, alors qu’aujourd’hui, ils sont des centaines de milliers. Ils veulent savoir ce qu’il pense. Nous vivons une véritable Pâques ! Mais, cela a commencé le dimanche de Pâques par les corps déchiquetés, par le sang des martyrs.

Les bouddhistes représentent 70 pour cent de la population du Sri Lanka. Pourquoi les terroristes n’ont-ils pas attaqué des temples bouddhistes ?
Les bouddhistes constituent une majorité dans ce pays, et parmi eux, il y a aussi des guerriers. Nous ignorons pourquoi aucun temple bouddhiste n’a été attaqué. C’est peut-être relié au fait que l’Église catholique constitue certes une minorité dans notre pays, mais qu’elle représente la plus grande communauté religieuse du monde. Les terroristes voulaient impliquer le monde entier.

Comment les attentats ont-ils influencés la relation entre les bouddhistes et les catholiques ?
Les bouddhistes ont commencé à discuter entre eux à quel point les catholiques étaient admirables et à se demander : pourquoi ne se vengent-ils pas ? Heureusement, nous avons un merveilleux système dans l’Église catholique : les prêtres écoutent le cardinal, les fidèles écoutent les prêtres. Actuellement, les moines bouddhistes nous admirent également, nous autres catholiques, et nous témoignent beaucoup de sympathie et de respect.

Comment les chefs de la communauté religieuse islamique du Sri Lanka ont-ils réagi à la terreur issue de leurs rangs ?
Les autorités musulmanes ont reconnu qu’elles avaient commis l’erreur de se taire au sujet des activités des groupes terroristes dans leurs communautés. Nous n’en savions rien, mais elles étaient au courant. Elles ont compris que c’était un désastre pour tout le pays. Tous les musulmans ne sont pas des terroristes, mais tous les kamikazes qui ont commis les attentats-suicides étaient musulmans. Les musulmans ne peuvent donc pas nier d’avoir leur part de responsabilité à assumer. Leur mission est maintenant d’effectuer une purification intérieure. Lorsque les enquêtes ont commencé, des armes ont été trouvées dans les mosquées. Nous en avons été choqués. Les dirigeants islamiques ont le devoir d’interpréter le Coran de manière pacifique.

La solidarité internationale avec les victimes a-t-elle été tangible au Sri Lanka ?
Les organisations de secours catholique comme L’Aide à l’Église en Détresse (AED) nous ont été d’un très grand soutien. Nous sommes une minorité dans ce pays, mais nous savons que nous appartenons à une famille bien plus grande. Des gens qui ne sont jamais venus au Sri Lanka prient pour nous et nous font des dons ! C’est ainsi que l’Église catholique est devenue une bénédiction pour toute la population du Sri Lanka. En effet, des musulmans, des hindous et des bouddhistes aussi sont morts dans nos églises. Alors que les gens se tournent maintenant vers l'Église catholique, une conversion intérieure a commencé. Les gens commencent à comprendre ce que cela signifie de vivre en Jésus-Christ.