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  • L'évêque auxiliaire Hruza de Lviv (Photo : «Aide à l'Église en détresse (ACN)»)
  • L'évêque auxiliaire Hruza en train de prêcher à Einsiedeln (Photo : «L'Aide à l'Église en Détresse (ACN)»)
  • L'évêque auxiliaire Hruza devant l'église du monastère d'Einsiedeln (Photo : «L'Aide à l'Église en Détresse (ACN)»)
  • L'évêque auxiliaire Hruza aide à préparer une soupe pour les nécessiteux (Photo : «Aide à l'Église en Détresse (ACN)»)
  • L'évêque auxiliaire Hruza remercie les bienfaiteurs de « L'Aide à l'Église en Détresse (ACN)» pour leur soutien (Photo : «L'Aide à l'Église en Détresse (ACN)»)

Mgr Hruza: l’Eglise gréco-catholique, proche du peuple souffrant

«La religiosité et la vie ecclésiale sont plus intenses en Ukraine occidentale qu’en Ukraine orientale, en partie orientée vers la Russie, c’est lié à l’histoire. L’unité du pays est toujours en danger, mais la guerre actuelle a beaucoup fait progresser la conscience nationale», confie Mgr Volodymyr Hruza, évêque auxiliaire gréco-catholique de Lviv.

 

Une différence de mentalité

Et Mgr Hruza de souligner que les habitants de cette région ont en moyenne peu de connaissance du christianisme, car il avait de nombreux endroits sans églises et, de plus, l’Eglise orthodoxe était concentrée avant tout sur la liturgie. Cette différence de mentalité s’est fait sentir quand, par centaines de milliers, les Ukrainiens de ces régions se sont réfugiés dans la région de Lviv ou sont passés par la capitale de la Galicie (Halyčyna en ukrainien) pour se rendre en Pologne, avant de poursuivre leur route plus à l’Ouest. «Beaucoup sont revenus quand les Russes sont partis de Kharkiv, de la région de Kiev, et de Kherson, même si c’est parfois dangereux… mais en fait, c’est dangereux partout en Ukraine ! »

Au début de la guerre, en février 2022, l’Eglise a joué un rôle déterminant – l’Etat a été surpris par la situation et n’était pas organisé comme aujourd’hui – en accueillant dans ses paroisses et ses couvents les réfugiés arrivant en masse, quasiment sans rien. «L’Eglise était prête dès le départ, parce que nous sommes toujours avec les gens, pour servir le peuple».

«Les gens avaient faim, l’Eglise a organisé des soupes populaires»

«Les gens avaient faim, l’Eglise a organisé des soupes populaires, offert un abri pour les familles déplacées. Aujourd’hui, la situation s’est stabilisée, les gens ont trouvé des logements, cherchent du travail. Nous collaborons fortement avec l’Etat en offrant nos services. L’Etat ‘promet beaucoup’ et tout est en reconstruction. La guerre l’a sensibilisé aux besoins du peuple. Notre souci principal concerne les plus vieux, qui ont tout perdu, leur maison étant la plupart du temps détruite».

S’il se défend d’être un politicien, Mgr Hruza estime cependant, en vertu du droit naturel, que l’Ukraine est en droit de recevoir les moyens de se défendre. «Je ne sais pas de quel type d’armes dont nous avons besoin, mais ce n’est pas pour attaquer un autre peuple, c’est pour protéger notre population qui est attaquée. C’est difficile d’argumenter, je suis pragmatique:  la meilleure façon, c’est d’aller sur les tombes des soldats morts au front, de rencontrer les mères qui pleurent leur fils, les veuves, les orphelins qui cherchent leur papa. L’homme moderne entend d’abord avec les yeux…»

Même si ce bain de sang s’arrête, les conséquences de la guerre resteront pour longtemps, avec son cortège de mutilés et de traumatisés, estime-t-il. Et s’il ne connaît pas encore le contenu de la mission de paix pour l’Ukraine que le pape François a confiée au cardinal Matteo Zuppi, archevêque de Bologne et président de la Conférence épiscopale italienne, Mgr Hruza rappelle que «l’on doit, comme chrétiens, toujours avoir l’espérance !»  JB

Magda Kaczmarek: «les enfants, les plus grandes victimes de cette guerre»

En 15 mois de guerre, «Aide à l’Eglise en Détresse ACN» a déjà apporté une aide de 10 millions de francs, soutenant l’an dernier 292 projets pour la subsistance des prêtres, des religieux et des religieuses et l’aide qu’ils apportent à la population déplacée, relève Magda Kaczmarek, directrice de projets pour l’Ukraine au sein d’ACN.

Au retour d’une visite en Ukraine effectuée la semaine avant Pâques, elle décrit la difficile situation de la population, dans un pays où des régions entières sont dévastées par la guerre et où les prix des denrées ont triplé. «Nous avons apporté de l’aide humanitaire, acheté des générateurs pour pallier la destruction des installations électriques. Nous finançons des ateliers pour former des prêtres et des religieuses pour soigner les blessures psychiques de la population traumatisée par la guerre, des camps d’été organisés par des religieuses pour des enfants déplacés à l’intérieur du pays».

Voir son nouveau-né seulement sur WhatsApp…

Pour la Polonaise, ce sont les enfants qui sont les plus grandes victimes de cette guerre. Beaucoup ne voient plus leur père, envoyé au front, les hommes – de 18 à 60 ans - ayant l’interdiction de quitter le pays sans permission spéciale. «Ils souffrent de cette séparation. Et il y a aussi ces soldats qui ont dû quitter leur femme enceinte, et qui voient leur nouveau-né seulement sur WhatsApp… Il est aussi important de soutenir les aumôniers militaires qui sont sur le front avec les combattants, qui réconfortent les familles des soldats décédés».

La responsable d’ACN évoque aussi les nombreux soldats de retour du front blessés psychiquement, les aumôniers militaires en burn out après avoir vu tant d’atrocités, le suicide de soldats, le cas de familles qui se séparent et se divorcent suite aux traumatismes, des épouses qui rejettent leur époux mutilé… ACN souligne que l’une des grandes priorités est de soutenir l’Eglise locale dans la formation psychologique de prêtres et de religieuses actifs dans la pastorale de soutien à la population. Selon le Sviatoslav Chevtchouk, archevêque majeur de Kiev et de Galicie, et primat de l'Église gréco-catholique ukrainienne, 80% de la population a besoin d’un tel soutien psychologique. JB

Encadré

L’Eglise gréco-catholique, «orthodoxe dans la foi, catholique dans l’amour !»

L’Eglise gréco-catholique est «orthodoxe dans la foi, catholique dans l’amour !», et a une longue expérience du chemin synodal et de proximité avec le peuple, en particulier durant la période soviétique. Elle fut en effet interdite par Staline en 1946, qui était derrière la parodie de synode à Lvov (Lviv), qui intégra de force l’Eglise gréco-catholique «uniate» dans l'Église du Patriarcat de Moscou. Ce synode, manipulé par Moscou, vota en mars 1946 le «retour» à l'Église orthodoxe dont les «uniates» s'étaient séparés depuis l'union avec Rome votée à Brest-Litovsk en 1596. Une partie de cette Eglise, désormais interdite et leurs évêques envoyés au goulag, avait poursuivi son travail dans la clandestinité et ne fut relégalisée qu’en 1989, sous Mikhaïl Gorbatchev. Ce travail pastoral durant les années du communisme lui a procuré une forte aura populaire, qui se vérifie en ces temps de guerre.

«Même si nous avons une hiérarchie, notre pastorale est au centre, on partage avec le peuple…» Cette Eglise compte 11 éparchies (diocèses) et 4 exarchats, notamment en Ukraine orientale (Donetsk, Kharkiv, Odessa), des régions peu évangélisées, et Loutsk, au Nord-Ouest de l’Ukraine. Mais la sécularisation se fait sentir partout, les valeurs occidentales se sont répandues par les réseaux sociaux omniprésents, les familles ont moins d’enfants et beaucoup ont émigré dans les dernières décennies. Mgr Hruza note qu’en conséquence le nombre de séminaristes, plus de 400 actuellement, est en recul depuis le tournant du siècle.