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  • Célébration de la 107ème Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié (JMMR), à l'invitation du Saint Père Pape François, à Bobo-Dioulasso le 26 septembre 2021. Chaque année, la JMMR est célébrée dans le monde entier le dernier dimanche de septembre (Photo : «Aide à l'Église en détresse (ACN)»)
  • Célébration de la 107ème Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié (JMMR), à l'invitation du Saint Père Pape François, à Bobo-Dioulasso le 26 septembre 2021. Chaque année, la JMMR est célébrée dans le monde entier le dernier dimanche de septembre (Photo : «Aide à l'Église en détresse (ACN)»)
  • Les personnes déplacées à Kaya, la région qui compte 50% des presque 1 million de personnes déplacées au Burkina Faso - elles ont dû fuir les fondamentalistes et les terroristes dans leur village, elles sont venues avec tous les biens qu'elles pouvaient apporter. Un homme bon leur a permis de construire leur camp sur ce terrain. Ils sont soutenus par Caritas et d'autres bonnes volontés. Rien de la part de l'UNICEF ou de l'ONU... (Photo : «Aide à l'Église en détresse (ACN)»)
  • Visite du Père Pierre Rouamba de Fada N'Gourma, Burkina Faso, à ACN International. Le Père Pierre appartient aux Frères Missionnaires des Campagnes et est le Prieur Général en France. (Photo : «Aide à l'Église en détresse (ACN)»)

Burkina Faso. « Les chrétiens que nous accompagnons ne savent pas s’ils survivront au-delà des prochaines 24 heures »

Le prieur général des Frères missionnaires des campagnes (FMC), le Père Pierre Rouamba, parle à la fondation internationale «Aide à l'Église en détresse (ACN)» de ce que c’est que de servir la population chrétienne au Burkina Faso, l’une des régions les plus dangereuses au monde.

Votre congrégation est active dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest. À quoi ressemble la vie dans cette région ?
Le contexte politique est très turbulent. Le Burkina Faso, où se trouve notre siège régional, a récemment subi deux coups d’État. L’insécurité sévit au Mali, au Burkina Faso, au Togo et au Bénin, où notre province est basée, et les chrétiens souffrent. En 2022, le Burkina Faso a été le pays ayant subi le plus d’attaques anti-chrétiennes au monde. L’évangélisation dans ces pays est récente. Elle ne remonte pas à plus de 150 ans, et dans la plupart des régions, à moins de 100 ans. Ces quatre pays ont été durement touchés par le terrorisme islamique, le Mali en particulier, mais aussi le Burkina Faso, où les tensions et les persécutions sont en hausse. Les chrétiens sont quotidiennement touchés par les actions épouvantables d’Al-Qaïda et de l’État Islamique.

Pouvez-vous nous parler un peu de ce que c’est que de servir au milieu de ces dangers ?
J’ai passé Pâques à Kompienga, au Burkina Faso, dans une atmosphère très particulière, car cet endroit est isolé du reste du monde, coupé par des mines et des postes de contrôle qui sont gardés par des terroristes. Nous ne pouvons arriver que par hélicoptère. Vers la Pentecôte 2023, les terroristes ont commencé à cibler la population locale. De nombreuses personnes ont été tuées ou grièvement blessées et ont dû être évacuées par avion. Les terroristes ont également saisi du bétail et font tout ce qu’ils peuvent pour amener la population à se convertir à l’islam ou à évacuer. Si les gens refusent de se convertir, ils sont forcés de partir, mais comme les routes sont bloquées, ils se retrouver à errer à travers la forêt sans rien, et beaucoup meurent par manque de nourriture et de soins. Dans une paroisse dont nous sommes responsables, un groupe de femmes a tenté de briser le blocus, pensant que les terroristes ne les attaqueraient pas. Cependant, beaucoup d’entre elles ont été capturées et violées. Certaines ont été détenues pendant une longue période pour être utilisées comme esclaves sexuelles et ne sont revenues qu’après plusieurs semaines, enceintes. Ce sont de véritables tragédies qui ne sont pas rapportées dans les médias.

Quels sont les projets de la congrégation pour l’avenir ?
Notre prochain grand projet est l’ouverture de notre maison régionale dans le diocèse de Ouagadougou, au Burkina Faso. C’est aussi là que nous voulons rassembler et former des laïcs pour pouvoir les envoyer en mission dans des endroits difficiles, et pour apporter l’Evangile aux populations rurales pour la première fois. Nous sommes inquiets pour l’avenir. Comment est-il possible de parvenir à pardonner à long terme ? En effet, il est impossible d’oublier. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous aimerions mettre en place des unités de soutien pour offrir un soutien spirituel et psychologique. Beaucoup de gens viennent à nous simplement pour être écoutés. Nous voulons nous tourner vers le long terme, et en particulier l’après-crise, pour accueillir et accompagner les nombreuses victimes de violences. Beaucoup de gens ont vu leurs proches être égorgés, décapités, violés ou réduits à l’esclavage sexuel. Des enfants sont nés de ces viols. Comment pourrons-nous avoir un discours évangélique cohérent quand tout cela sera terminé ? Nous devrons guérir toutes ces blessures, qu’elles soient physiques ou psychologiques. Le travail pastoral promet d’être immense.

Il y a aussi des dangers pour le clergé. Deux de vos frères ont été enlevés en 2021, par exemple...
Oui, et ce qui s’est passé est, j’ose le dire, un miracle. Ils ont été arrêtés à un poste de contrôle par des terroristes qui les ont emmenés les yeux bandés dans la forêt, les ont maltraités, les ont fouillés, les ont interrogés sur leur mission et leur apostolat et, bien sûr, leur ont demandé de se convertir à l’islam wahhabite, lequel fait tant de mal à un pays qui était autrefois un exemple d’harmonie interreligieuse. Nos frères leur ont parlé dans un véritable esprit de paix, sans colère ni acrimonie. Lorsque les terroristes leur ont demandé de prier la prière islamique avec eux, ils ont gentiment refusé, expliquant qu’en tant que chrétiens, ils priaient avec les Psaumes, et que la vraie prière est un cœur à cœur avec Dieu, et ne peut pas être quelque chose d’imposé de l’extérieur. Malgré le harcèlement, ils sont restés pacifiques, répondant à la violence par la charité. Impressionnés, les terroristes les ont finalement ramenés sur la route et les ont libérés. Nous remercions Dieu pour cela, c’est un signe que l’amour peut triompher de la haine.

Comment tout cela a-t-il affecté la foi des gens ?
Il est vraiment frappant de constater que les chrétiens qui avaient dans une certaine mesure abandonné la pratique religieuse avant la crise, reviennent à la foi à un moment où les terroristes font ce qu’ils peuvent pour éteindre le christianisme. Alors que les terroristes empêchent les chrétiens de se rassembler dans les églises, les familles se réunissent chez elles pour raviver la flamme de la foi à travers des cours de catéchisme et des célébrations communes lorsqu’il n’y a pas de prêtres. C’est précisément parce que ces chrétiens sont directement persécutés qu’ils approfondissent leur lien avec le Christ. Le sang des martyrs est la semence des chrétiens, d’une manière particulière et actuelle ici au Burkina Faso. À Kompienga, sous le feu des terroristes, les demandes de baptême affluent et les cours de catéchisme se poursuivent. Les chrétiens qui subissent la haine à cause de leur foi ont deux options. Ils peuvent soit chercher le salut en dehors de Dieu, en se rebellant contre Lui, soit le chercher dans le cœur de Jésus-Christ Lui-même. Nos chrétiens ont cette grâce spéciale de comprendre et de remettre leur vie entre les mains de leur Sauveur.

Quel est le charisme de votre communauté ?
Notre congrégation a été fondée au plus fort de la Seconde Guerre mondiale, en 1943, en France, pour se consacrer à la pastorale en milieu rural. C’est encore aujourd’hui au cœur de notre travail, en particulier en Afrique de l’Ouest. Nous restons dans les zones les plus défavorisées économiquement et socialement, partageant la vie des populations rurales, en étant une semence de l’Evangile. Nous sommes très souvent en contact avec des musulmans ou des personnes qui n’ont pas encore entendu parler du Christ. Nous ouvrons systématiquement les portes de l’Evangile ! Notre charisme est de tout ramener à Jésus-Christ lui-même, joies ou peines, et de les ramener au Rédempteur en action de grâce, malgré les difficultés, qui sont nombreuses en ce moment. Nous voulons être un signe d’espérance chrétienne au milieu de la désolation. Nous sommes accompagnés par le Christ, parce qu’Il a lui-même traversé la souffrance que nous traversons. Les chrétiens que nous accompagnons ont une visibilité qui ne dépasse pas les 24 heures dans le temps. Nous ne savons pas si nous survivrons au-delà du lendemain. Cela nous oblige à approfondir notre relation personnelle avec Lui.

Grâce à notre partenariat avec la fondation «Aide à l'Église en détresse (ACN)», nous faisons l’expérience d’une véritable solidarité, notamment à travers un récent projet d’aide alimentaire pour les réfugiés et les personnes déplacées que nous avons mis en œuvre dans l’une des paroisses qui nous ont été confiées, à Pama, dans le diocèse de Fada N’Gourma.